• Les frères BEGUSSEAU

     

    En indexant les fiches des deux frères Bégusseau sur Mémoire des Hommes je me suis demandée pourquoi ces natifs de Mirebeau dans la Vienne avaient leur nom inscrit sur le monument aux morts de Sainte-Marie. En faisant des recherches j'ai découvert que la famille, du côté paternel, était originaire de La Rochelle, aubergiste ou maître d'hôtel de père en fils :

     

    Famille BEGUSSEAU

     

    Ils habitaient rue des Dames où se trouvait leur établissement (aujourd'hui disparu), l'Hôtel des Etrangers :

    Hôtel des Etrangers

     

    Comme son père, Gabriel, le père des Poilus, va épouser une jeune femme du département de la Vienne mais il va rompre la tradition familiale en exerçant la profession de médecin. Interne des hôpitaux de Paris, il est reçu docteur en médecine de la Faculté de Paris en 1894 et commence à travailler la même année à Secondigny dans les Deux-Sèvres. Vingt ans après il se rapproche de sa ville natale en devenant médecin au village de Sainte-Marie.

    Gabriel et Berthe ont trois fils, Félix, Louis et Emile, qui vont tous trois participer à la Première Guerre. L'un sera fait prisonnier, les deux autres vont mourir au combat.

     

    Félix Alfred Louis Florent BÉGUSSEAU nait le 13 juin 1889 à Mirebeau, département de la Vienne, deux ans après le mariage de ses parents dans la même ville.

    Alors qu'il est clerc de notaire, résidant à Secondigny dans les Deux-Sèvres, il est incorporé au 32e Régiment d'Infanterie de Châtellerault le 5 octobre 1910 comme soldat 2e classe. Il passe dans la réserve de l'armée active en octobre 1912.

    Fin 1912 il réside rue de la Tête Noire à Poitiers, ville dans laquelle il a fait ses études mais, un an plus tard, en septembre 1913, il a déménagé à Saint-Martin.

    Mobilisé, il arrive au corps le 3 août 1914. Sa fiche matricule indique qu'il décède le 1er février 1915 à l'hôpital de Sainte-Marie-de-Ré. En vérité il doit s'agir de l'hôpital de Saint-Martin.

    Le samedi 6 février à 8h30, le corps de Félix arrive à La Rochelle par le vapeur l'Express parti de La Flotte.

    L'Express

    Sous le titre "Mort d'un héros" le Soldat Rétais, dans son quatrième numéro, relate ses funérailles :

    Nous recevons de La Rochelle la communication suivante :

    [...] Félix Bégusseau du 32e d'infanterie de Ligne, âgé de 26 ans, blessé mortellement le 26 septembre* 1914 à Zonnebecke (Belgique) décédé à Sainte-Marie des suites de ses blessures, chez son père M. le docteur Bégusseau. Son frère est prisonnier en Allemagne et le troisième frère, caporal au .. est sur le front en Belgique.

    Félix après avoir combattu en Lorraine, dans la Marne et dans l'Aisne, est tombé en Belgique au champ d'Honneur.

    Les obsèques eurent lieu à Saint-Sauveur de La Rochelle au milieu d'une affluence considérable, la famille étant très connue.

    Le char disparaissait sous les couronnes blanches, striées de rubans tricolores, de la famille, d'un groupe de soldats, de la garnison et du Souvenir Français. Après le deuil représenté par tous les membres de la famille et l'aïeule Mme Bégusseau âgée de 85 ans, venaient les représentants officiels de l'Administration Civile et Militaire, le président du Souvenir Français entouré de quelques membres, une délégation des Sociétés patriotiques de la ville et une suite nombreuse parmi laquelle un groupe imposant de soldats du 24e d'Artillerie et du 123e de ligne.

    Au cimetière, le cercueil fut recouvert des vêtements militaires du jeune héros et une scène émouvante eu lieu.

    M. Dauffard, sous-lieutenant des Sapeurs-Pompiers de La Flotte, remercia tous les officiers, sous-officiers et soldats présents à ces funérailles, puis il prononça une magnifique allocution que nous regrettons, faute de place, de ne pas reproduire ici.

    Le malheureux père, les larmes dans la voix, fit à son fils de touchants adieux ; au milieu d'une émotion intense, il prononça ces admirables paroles : "Notre fils est mort pour notre chère France, nous le pleurons ; mais pensons que nous ne sommes et ne serons pas les seuls ; souffrons courageusement pour la France."

    Après la cérémonie, les mains se tendirent vers ce père courageux, vers les membres de sa famille et vers l'aïeule, la vénérable madame Bégusseau, que tout La Rochelle entoure d'estime et de sympathie ; elles se tendirent également vers M. Dauffard dont le discours avait fait si profonde impression.

    Nous présentons à la famille Bégusseau et à l'aimable aïeule l'hommage de nos vives condoléances et de notre émotion non moins vive.

    Victor Salenave, membre du Souvenir Français

    Nous ajouterons à ce compte-rendu les renseignements qui nous sont parvenus sur la cérémonie funèbre à Ste Marie.

    Vendredi 5 février, à 3 heures du soir, M. l'abbé Girard, vicaire de Saint-Martin, remplaçant M. le Curé appelé chez lui pour des raisons de famille, procédait à la levée du corps de notre jeune héros.

    Une foule nombreuse témoigna en cette douloureuse circonstance toute sa sympathie à M. le docteur Bégusseau et accompagna la dépouille mortelle depuis la demeure paternelle jusqu'aux dernières maisons de La Noue. Lorsque le cortège fut arrivé en face la vierge de la Morande, M. l'abbé Girard, dans un discours vibrant de foi religieuse et patriotique, s'associa au deuil de la famille, salua avec émotion les restes du vaillant soldat et parla des récompenses éternelles dûes aux martyrs de la Patrie.

    Cette cérémonie laissa dans les cœurs une profonde et durable impression.

     

    La Vierge de la Morande

     

     La médaille militaire lui a été conférée à titre posthume par un décret en date du 31 mars 1920 et paru au JORF le 5 août :

    Bon et brave soldat, belle conduite au feu où il fut blessé très grièvement. Mort des suites de ses blessures, le 2 février 1915. Croix de guerre avec étoile de bronze.

     

     * En vérité, c'est le 26 octobre que Félix est blessé.

    ♦♦♦

    Louis Charles Marie nait le 8 septembre 1890 à Mirebeau.

    Tout comme son frère aîné, au moment de son incorporation il est clerc de notaire et réside à Secondigny. Incorporé au 32e Régiment d'Infanterie le 9 octobre 1910 comme soldat 2e classe, il est très vite réformé de façon temporaire pour raisons médicales. Il est rappelé à l'activité le 19 octobre 1912, toujours comme soldat 2e classe avant d'être nommé caporal le 10 novembre 1913.

    Le 4 août 1914, il est nommé sergent et, désigné pour faire partie de l'armée de l'Est, il part de Châtellerault le lendemain.

    Il est fait prisonnier à la Fère-Champenoise dans la Marne le 8 septembre 1914 et va être interné au camp d'Erfurt en Allemagne (j'ai lu avec beaucoup d'intérêt sur le site Europeana 1914-1918, le carnet de Patrice Chevrier du 64e Régiment d'Infanterie, fait prisonnier en même temps que Louis et qui raconte leurs 9 jours de marche jusqu'à Berzée en Belgique et au train qui les emmènera en Allemagne). 

    Le 4 avril 1916 il fait partie des prisonniers évacués du camp d'Erfurt pour celui d'Ohrdruf. Fin novembre 1917 il est transféré du camp de Langensalza à celui de Mannheim. Enfin, après quatre années de captivité dans des conditions très difficiles, il est rapatrié d'Allemagne le 4 décembre 1918.

    Au mois de mai 1922 il épouse Marie Marguerite Faure à La Rochelle. Il décède huit ans plus tard, quelques mois avant ses 40 ans à Soubise (17), sans doute très marqué par ses années de captivité.

    ♦♦♦

    Emile Jean Marie, le benjamin de la famille, naît le 23 juin 1892 à Mirebeau.

    Alors qu'il est employé de banque et réside à Secondigny, il est incorporé à compter du 8 octobre 1913 au 32e Régiment d'Infanterie comme soldat 2e classe. A la mobilisation, il suit le même parcours que ses frères : il est désigné pour faire partie de l'armée de l'Est et part de Châtellerault le 5 août. Il est nommé caporal le 23 septembre suivant.

    Il décède le 17 mai 1915 lors du combat de la côte 123 près de Neuville-Saint-Vaast dans le Pas-de-Calais.

    ♦♦♦

    Sources pour Félix :

    Acte de naissance : AD86 - 9 E 190/17 - Mirebeau, N 1883-1892, vue 102

    Fiche matricule : AD79 - Niort 1909 - R667_5, vue 106

    Historique du 32e RI : http://tableaudhonneur.free.fr/32eRI.pdf

    Fiche Mémoire des Hommes : www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/m005239d82888c26/5242bc1e33c7d

    AD17 - Presse - Le Soldat Rétais n°4, p. 5-6

    AD17 - Presse - La Charente Inférieure n°11, 6 février 1915, p. 2

    AD17 - Presse - La Charente Inférieure n°12, 11 février 1915, p. 2

    AD86 - Le Journal de la Vienne, des Deux-Sèvres et de la Vendée, 11 février 1915, vue 11

    JORF du 05/08/1920 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6370269j.image.r=begusseau.f26.hl

     

    Sources pour Louis :

    Acte de naissance : AD86 - 9 E 190/17 - Mirebeau (86), N 1883-1892, vue 118

    Fiche matricule : AD79 - Niort 1910 - R668_5, vue 46

    Carnet du Poilu Patrice Chevrier sur Europeana 1914-1918, vues 29 à 37

    Camp de Erfurt : http://lencrierdupoilu.free.fr

    Archives du CICR : http://grandeguerre.icrc.org/fr

    Prisonniers de guerre : http://prisonniers-de-guerre-1914-1918.chez-alice.fr/

     

     Sources pour Emile :

    Acte de naissance : AD86 - 9 E 190/17 - Mirebeau, N 1883-1892, vue 141

    Fiche matricule : AD79 - Niort 1912 -R673, vue 601

    Historique du 32e RI : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62270487  cité p. 116

    Fiche Mémoire des Hommes : http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/m005239d828884b5/5242bc1e338fc

    AD17 - Presse - Le Soldat Rétais n°11, p. 6

     

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