• La guerre imaginaire de Justin B. : Ma Citatian, partie 3

    Justin a bien du mal à s'expliquer et va recevoir l'aide du caporal Allemand :

     

    Voyons, voyons, que ditt enfin le capitaine, vous êtes modeste autant que brave, c'est entendu, mais si les boches vous avaient fait prisonnier, vous ne seriez pas ici, mais avec eux ; vos histoires ne tiennent pas debout que l'ditt, vous serez cité à l'ordre du régiment que l'ditt, je vous en donne ma parole, que l'ditt. Que v'lau qui dise à nin raisounn'ment d'même, mais que v'lau qui dise ?...

    Mon capitaine, que ditt le caporal boche, si vous le permettez je vais vous dire comment la chose s'est passée - Allez-y, que l'ditt le Capitaine, et le v'latt à dire dous chouses qu'aviant jamais existaye : que l'aviant pouet voulu tirer rapport au bruitt, mé que l'aviant souté su moi comme daus chatt's et pis qui m'étais défendu comme in lion (t'chau mal appris !...) et pis qui les avais désarmés à coup de crosse ; et pis qu'iavais bossé leus fusils et pis qui les avais assommés. - Les deux bayauds disiantt trejou ia, ia.

    Pensez si y'étais dans n'ine petrasse ! Quand on comprend pouet, qui dis aux bayauds, on dit reun. !

    Et les v'latt tous à rire que l'en bramiant ; le se virounniantt su leus chaires c'm' dans les angueuilles dans n'in filett ; le fasiant daus cris c'mme daus poules quant l'ine de zelles a pounnu, ou bé don le fasiantt c'mme daus matous quand le sant en canversatian su n'in toit, et le brayant toutes les larmes de leus corps. Tout d'in coup n'en v'latt un chett par terre et le riait trejou - hou lou lou lou que l'disaitt et se le bouchaitt les oreilles à celle fin d'pouett entendre c'qui disais, mé moi qu'étais trejou en fantaisie, v'la qui m'ècrie : quand v's'aurez fini d'richaugner d'même, ol é insunifiant à la fin ! - A t'chau coup, les v'làtt à hurlaye à torde de rire et pis i m'en vas.

    Et pis v'la qu'in Dimanche matin, l'général a leu daus citatians et le m'a-t-appelé et l'a ditt qu'iétais un bon souldatt, brave et moudeste, qu'iétais un modèle pour le régiment, qui méritais la Croix de guerre (et me v'lat à brayer) mais quand l'a ditt qu'i avais faitt trois prisounniers, v'l'a-t-i pas qui m'envieus : Eh ! fi d'Madame, ol est pouet vrai ! Et v'lat in bia tram' nage et le m'avant canduitt en prisan passque le disiant comme ça qu'ié infligé in démenti à n'in supérieur sous les armes ; qu'i'aurais p't'être la croix de guerre mé qui passerais tout probabe en Conseil de guerre.

    I ve dirai ine aut'fois c'que l'arant fait d'au pouv' Justin.

    En attendant, i ve salue ben tretous mé ve pebez crère qui sé bé malhureux seur, qui sé bé malhureux.

    Justin B.

     

    Et voilà comment le naïf et honnête soldat rétais se retrouva cité et emprisonné le même jour...

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