• Wilfrid BERCHOTTEAU (1887-1915)

    Wilfrid Cléophas BERCHOTTEAU naît le 14 décembre 1887 à Sainte-Marie-de-Ré, six mois après le mariage de ses parents, Wilfrid Cléophas BERCHOTTEAU, cultivateur, et Marie Louise FAVREAU.

    De nombreuses personnes vont mourir dans son entourage : sa petite sœur, en juin 1892, sa mère, six mois plus tard. En mars 1913 c'est son petit frère qui décède à Sainte-Marie.

    Le 7 octobre 1908 Wilfrid incorpore le 6e Régiment d'Infanterie (6e RI).

    Le 28 octobre 1908 il est soldat de 2e classe.

    Le 26 septembre 1909 il passe musicien.

    Le 26 juin 1910 il passe à nouveau soldat de 2e classe.

    Le 25 septembre 1910 il est envoyé dans la disponibilité.

    Le 12 novembre 1910 il épouse Madeleine NEAU à la mairie de Sainte-Marie.

    Du 13 mai au 4 juin 1912 il accomplit une première période d'exercices au sein du 123e Régiment d'Infanterie (123e RI).

    Rappelé à l'activité militaire par la mobilisation générale, il arrive au 93e Régiment d'Infanterie (93e RI) le 4 août 1914.

    Le 10 août 1914, il part en campagne avec le 206e Régiment d'Infanterie (206e RI).

    Le 28 mars 1915 il est tué d'un éclat d'obus à la tête dans le Bois de Renières (commune d'Hamonville en Meurthe-et-Moselle).

    Le Soldat Rétais du 1er mai 1915 fait part d'une lettre reçue par sa veuve :

    Madame Wilfrid Berchotteau avait écrit pour avoir des détails précis sur la mort de son regretté mari.
    Elle a reçu de M. l'abbé M. la belle lettre suivante :
    X..., le 22 avril 1915
    Madame,
    Je réponds par retour du courrier à votre lettre qui me demande quelques détails sur la mort et la sépulture de votre cher époux. Puissé-je, en vous disant la façon chrétienne dont il est parti et la considération dont il jouissait parmi nous, mettre un peu de baume sur votre deuil et sur vos douleurs.
    C'était le dimanche des Rameaux ; nous étions arrivés à 1 heure du matin de la tranchée où nous avions passé trois jours. Après avoir confié pendant quelques heures nos membres à la paille qui nous sert de couchette, chacun faisait toilette et se dirigeait vers la petite église pour l'assistance à  la Messe et la bénédiction des Rameaux. A 9 heures, l'église était remplie au point de déborder, et votre mari, madame, était de ceux qui voulaient à la fois remplir leur devoir de chrétien et revivre de doux instants, passés jadis à pareille époque dans la famille. Je suis donc persuadé, Madame, que c'est avec votre souvenir qu'il a assisté à la Ste Messe. Je suis sûr, parce que je le connaissais bien, qu'il avait puisé des résolutions d'abnégation, de dévouement, d'héroïsme même, dans le récit de la Passion du Seigneur, que nous fit avec tant de distinction, un aumônier, blessé depuis.
    C'est donc le cœur content et courageux, en pensant aux siens, qu'il sort de la messe, avec une branche de buis bénit, qu'il épingla sur sa capote. Ces moments-là sont souvent les avant-coureurs des plus heureux voyages ou des pires catastrophes ; dans l'espèce, ils préludaient l'effrayante séparation et le départ de votre Wilfrid pour le Ciel. Quelques heures après, en effet, un bombardement sérieux vint encercler le village, mais comme depuis le début de la guerre, on est habitué à ces heures pénibles, on ne s'effrayait point outre mesure. Quand un obus de 150 millimètres de largeur vint éclater exactement au-dessus de la grange où logeaient les 60 hommes de ma section. Beaucoup, heureusement, étaient sortis pour différentes destinations, et je restais avec une dizaine d'hommes, à l'intérieur. L'éclatement de l'obus fut aussi rapide que celui de la foudre et pour ma part je fut couvert de pierres, de tuiles et de poussière, j'avais alors l'impression que la maison allait s'écrouler sur moi ; il n'en fut rien, Dieu merci, mais j'entendis aussitôt des plaintes et j'allais à tâtons rejoindre un blessé sérieux que j'emmenais à l'infirmerie et où je le soignais et consolais. A ce moment je m'inquiétais des hommes qui se trouvaient dans l'écurie à côté de la grange, persuadé que l'obus n'aurait pas traversé le foin et le plancher. Hélas! quand je revins dans l'écurie où causait votre mari avec des amis, j'ai vu un spectacle épouvantable. Un de mes hommes, votre époux, gisait là, le crâne ouvert par un éclat d'obus, et couvert de sang. Il était, ce cher ami, complètement défiguré et je dus ouvrir sa poche pour l'identifier. Son corps était encore chaud quand je l'ai revu, c'est pourquoi j'ai pu lui donner les derniers Sacrements, une absolution sous condition et prier sur sa dépouille.
    Ma pensée, naturellement, s'est envolée vers la compagne de ce cher disparu et je vous ai unis dans une même prière avec tous ceux qu'allait affecter cette terrible nouvelle. Sans doute, Madame, le corps de votre époux n'a pas été entouré d'autant d'affection que si un accident l'avait surpris chez vous, mais croyez bien que nous avons fait,ses camarades et moi, tout ce qui était en notre pouvoir, pour vous suppléer et donner à notre ami une digne sépulture. J'ai pris le soin de l'envelopper dans ma couverture ; une serviette a fermé sa bouche, j'ai mis son buis bénit sur sa poitrine et joint ses mains pour qu'il ait toujours l'attitude de la prière. Il fut ensuite transporté dans la petite église et, toute la nuit un cierge brula à son côté pour rappeler à Notre Seigneur du tabernacle, que ce brave cœur unissait son sacrifice à celui qu'Il avait consenti pour nous sur la croix ; pour nous rappeler aussi à nous-même, que nous devons toujours être prêts à faire le même sacrifice.
    Le lendemain matin, vers 8 heures 1/2, j'ai dit la Sainte Messe sur sa dépouille mortelle, devant une assistance émue et recueillie qui a prié sincèrement pour le cher disparu et ceux qu'il laissait ici. Puis nous l'avons accompagné dans le cimetière où une croix de bois jaune, qui supporte une belle couronne, désigne son nom au milieu des tombes de soldats, trop nombreux, hélas ! tombés comme lui au Champ d'Honneur.
    C'est bien en effet au Champ d'Honneur, Madame, que votre mari est mort, et ce doit être là, pour vous, la source de nombreuses consolations.Je voudrais avoir pour vous, des paroles aussi pleines de grâce, que celles qu'adressait Jésus à Marthe et Marie, en apprenant la mort de leur frère Lazare. Du moins, je demande à Dieu, puisque je suis prêtre, de faire descendre sur vous ses plus précieuses bénédictions et de suppléer avantageusement à la sincère sympathie que je vous porte.
    Votre époux a supporté pendant huit mois, avec une humeur toujours égale, les fatigues, les souffrances et les contrariétés sans nombre de la guerre. Il a toujours fait son devoir avec une ponctualité parfaite et a réussi à faire naître la sympathie, dans le cœur de tous ses chefs et de ses camarades. C'est précisément dans cette égalité d'humeur fondée sur une volonté toujours renouvelée et réfléchie que consiste le véritable héroïsme. Votre époux était un de ces héros, avec lesquels j'ai l'honneur de combattre depuis bientôt neuf mois.......
    Ce dont je suis sûr par ailleurs, c'est que votre cher Wilfrid aura la récompense des braves, des héros, auprès de Celui qui seul peut récompenser efficacement et dignement le sacrifice de la vie : Dieu.
    Depuis le début de la campagne qui voit une si grande moisson de jeunes gens, beaucoup ont appris à tourner leurs regards vers le ciel, persuadés que si on en suivait toujours les commandements et les conseils, on ne verrait pas de monstruosités aussi désolantes que cette guerre.
    Dieu donne la liberté, les hommes s'en servent pour s'entretuer au lieu de faire le bien.
    Mais Dieu donne aussi l'Espérance et la couronne par le bonheur dans l'union de ceux qui s'aiment. Tournez aussi vos regards vers le Ciel, Madame, et, là seulement vous trouverez la force d'offrir à Dieu vos larmes ; là seulement vous trouverez le rayon d'espérance qui conduit l'exilé dans le dédale de cette vie.
    Excusez, je vous prie, mon écriture et mon papier disparate. C'est depuis la tranchée que j'ai l'honneur de vous écrire et de vous assurer du concours de mes prières.
    Agréer mes sympathies sincères en Notre-Seigneur.,
    L. M.

     

    Le nom de Wilfrid BERCHOTTEAU est inscrit sur le monument de Sainte-Marie, et son corps repose dans le cimetière du village.

     

    Sources :

    Fiche matricule : AD17 - Registres matricules - 1 R 332 - Classe 1907 - La Rochelle, vue 400

    Fiche Mémoire des Hommes : http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/m005239d8aaccdf8/5242bc2c3e470

    Musée Ernest-Cognacq - Le Soldat Rétais n° 9, 1er mai 1915

    « Roger RENAUD (1893-1915)Florentin GIRAUD (1878-1915) »

    Tags Tags : , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment



    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :