• Emile ATGIER (1850-1915)

    Figure rétaise connue s'il en est, le docteur Emile ATGIER est décédé au cours de la première guerre mondiale à l'âge de 65 ans. Je ne vais pas faire ici sa biographie exhaustive (que l'on peut trouver dans divers documents) mais inscrire quelques éléments de sa vie personnelle et, pour sa vie professionnelle et donc militaire, laisser parler le témoignage de son ami le docteur Brault de Bournonville dans son allocution funèbre.

     

    Emile Alexandre ATGIER naît le 15 février 1850 à Belleville (Paris), au numéro 104 de la rue de Paris. Il est le fils de Jules Etienne, receveur des contributions directes à Saint-Martin, et de Marie (ou Magdeleine) Alexandrine Hortense PROUSEL (PROUZEL).

     Le 12 octobre 1870, l'année de ses vingt ans il rejoint le 82e de ligne comme soldat. Sa fiche indique qu'il mesure 1m69, a les cheveux et les yeux noirs, le teint coloré.

    Le 22 août 1875 il est à Saint-Martin comme témoin au mariage de sa petite sœur Aline Marie Julie (née en 1854 dans le même village) avec Paul BOREL de la ROCHETTE, greffier comptable de la prison pénitentiaire. Dans l'acte est indiqué qu'il réside à Paris et qu'il est élève au Val de Grâce.

    Le 3 août 1877 Emile est cité comme témoin sur l'acte de naissance de son neveu Jules Emile Joseph BOREL de la ROCHETTE à Saint-Martin. Il est alors "Docteur médecin".

    Le 14 février 1879 il est encore cité comme témoin, cette fois sur l'acte de naissance de sa nièce Marie Aline Louise BOREL de la ROCHETTE. Sa profession est cette fois "Docteur, médecin militaire" et il réside encore à Saint-Martin.

    Le 2 avril 1883 il épouse à Poitiers une jeune femme de quatorze ans sa cadette, Marie Alice Suzanne TANTIN, fille d'un ingénieur des chemins de fer de l'Etat, membre du Conseil Général de la Vienne avec laquelle il a deux filles :

    • Marie "Lucienne" Valentine, née le 3 mars 1884 à Poitiers, qui épousera le célèbre docteur Emmanuel HERNETTE en 1908 à Saint-Martin.
    • Madeleine "Yvonne" Marguerite née le 2 février 1888 à Alger. Elle épousera Gilbert FIDAO puis Frederik OLSEN.

     

    Parmi ses nombreuses activités Emile Atgier est archéologue et préhistorien, fondateur de la Société Amicale des Rétais de Paris et participe à la création du musée Ernest-Cognacq de Saint-Martin.

     

    Emile ATGIER (1850-1915)

    Bibliothèque du musée Ernest-Cognacq avec le portrait d'Emile ATGIER à droite

     

    Le docteur Emile ATGIER exerce ses activités de médecin militaire dans divers lieux (voir nécrologie ci-dessous) et à la mobilisation générale il continue d'exercer ses fonctions.

    Le Soldat Rétais n° 16 du 15 août 1915 :

    Nous apprenons que notre distingué compatriote, M. le Docteur Emile Atgier médecin major de 1re classe à la 87me division territoriale au front de l'Yser depuis un an, vient d'être nommé Officier de la Légion d'Honneur et est promu médecin principal de deuxième classe (armée territoriale).

    Nous sommes heureux de le féliciter à la fois pour cette haute distinction et pour un avancement si bien mérité après tant de dévouement dépensé en faveur  de nos chers combattants.

    Nous savons aussi qu'il est proposé pour la Croix de Guerre, nous nous réjouissons avec tous les siens de cette glorieuse récompense ; et nous nous permettons d'adresser au poète Célia, notre collaboratrice si appréciée, l'hommage de nos respectueuses félicitations.

     

    Le 5 décembre 1915 Etienne meurt des suites de maladie contractée en service à l'hôpital militaire d'Amélie-les-Bains.

    Le Soldat Rétais n° 24 du 15 décembre 1915 :

    Obsèques de M. Le Docteur Atgier. - Vendredi dernier, 10 Décembre, le Coligny ramenait à St Martin le corps de notre compatriote M. le Docteur Emile Atgier, Médecin principal de l'armée, Officier de la Légion d'honneur, décédé à Amélie-les-Bains par suite d'une affection causée ou aggravée par les longues fatigues qu'il a subies pendant un temps que son dévouement à nos chers blessés ne lui a pas permis d'abréger. Quand ses forces le trahirent et qu'il dut se résigner à abandonner enfin l'exercice de son bienfaisant ministère, il était trop tard ; les soins qui lui furent prodigués demeurèrent inutiles et il succomba bientôt, enlevé à l'âge de 64 ans, à l'affection des siens et au reconnaissant attachement de ses compatriotes.

    M. le Docteur Atgier est donc une victime de la guerre et son nom doit figurer au martyrologe de ceux qui succombent pour la défense de notre chère patrie !

    Le Soldat Rétais salue respectueusement ce héros et adresse à sa mémoire le tribut de son admiration en même temps qu'il s'associe aux regrets éprouvés par sa famille.

    Malgré le mauvais temps, une nombreuse assistance s'était rendue aux obsèques de M. le Docteur Atgier et ce fut au milieu d'un profond recueillement que se déroulèrent les cérémonies de l'office religieux.

    A l'absoute, M. le Curé-Doyen relata brièvement la vie du Docteur Atgier; il dit éloquemment quels furent la bravoure du soldat, le dévouement du médecin, l'érudition du savant ; il dit aussi quel fut son attachement à la patrie rétaise ; il dit enfin quels étaient les sentiments profondément religieux du regretté défunt, sentiments partagés par les parents qui lui survivent et le gage, pour eux, d'un revoir certain.

    M. le Doyen fit connaître, qu'en sa double qualité de soldat et de rétais, M. le Docteur Atgier lui avait adressé une lettre des plus encourageantes au sujet de la création de l'Orphelinat des armées à St-Martin-de-Ré.

    Au cimetière, M. le Docteur Brault de Bournonville, ami et condisciple du défunt, rendit hommage aux éminentes qualités du Docteur Atgier et s'étendit plus particulièrement sur sa belle carrière médicale militaire.

    M. Eclercy exprima les regrets éprouvés par les membres de la Commission du Musée Ernest Cognacq, au sujet de la mort du fondateur de ce musée, musée qui subsistera et perpétuera chez ses compatriotes, le souvenir du regretté docteur.

    Nous déplorons que les honneurs militaires n'aient pas été rendus au Docteur Atgier ; il y a évidemment à cela des raisons que nous ignorons, autrement cette abstention presque complète de l'élément militaire serait vraiment inexplicable.

    Et maintenant, cher et vieil ami, ton corps repose dans le sein de cette terre de Ré tant aimée, auprès de cet Océan dont les murmures ont bercé notre enfance. Les espoirs de notre jeunesse se sont pour toi réalisés, mais si tu devins le savant et le soldat que l'on sait, tu restas toujours un simple, un bon, un sage, un homme de bien.

    Au revoir, ami, au lieu des réunions éternelles !

     

    Allocution de M. le Docteur Brault de Bournonville

    Mesdames, Messieurs,

    C'est avec la plus profonde tristesse que je viens rendre ici un suprême hommage à notre cher concitoyen, mon camarade et ami, le Médecin Principal Emile Atgier.

    Né à Paris en 1850, il passa son enfance à St-Martin. Après de fortes études classiques à Montlieu et à Pons, il aborda et subit avec succès les multiples et difficiles examens préparatoires à la profession médicale. Il passa sa thèse de Doctorat le 20 Novembre 1876 devant la Faculté de Paris.

    Admis, après concours, dans le corps de santé militaire, il entra comme aide-major stagiaire à l'Ecole d'application du Val de Grâce et à sa sortie, le 31 Décembre 1877, il fut nommé à l'hôpital Auffrédy, à La Rochelle.

    Il serait trop long de le suivre dans toutes les étapes de sa longue carrière. Dans les hôpitaux comme dans les corps de troupes, notamment au 137e à Fontenay, au 11e cuirassiers à Niort, comme au 135e à Angers et au 120 à St-Denis, il conquit rapidement la confiance de ses malades, l'estime et la considération de ses chefs et de ses camarades. Il fit aussi campagne en Algérie ; là également il servit avec distinction ; en 1888, il y a déjà 27 ans, il était médecin-major, chef de service à l'hôpital de Boghar, poste assez avancé de la Division d'Alger ; qu'il me soit permis d'évoquer à ce sujet un souvenir personnel. Me trouvant alors dans cette même province et dans la même situation à l'hôpital d'un poste regardé là-bas comme peu éloigné de Boghar, parce qu'il est un des plus proches, mais en réalité distant d'environ 130 kilomètres au S. E., dans les sables de Bou-Sâada, j'eus le grand plaisir d'entendre à plusieurs reprises faire l'éloge bien mérité de notre compatriote et ami par des camarades ou des officiers passant dans nos parages, bien placés qu'ils étaient pour apprécier ceux qui dans l'isolement des garnisons lointaines ou au milieu des tribus arabes ont la charge d'initiatives et de responsabilités souvent lourdes.

    Partout et toujours, M. Atgier fut amplement à la hauteur des fonctions dont il savait par sa valeur personnelle et sa culture variée, relever le terre à terre journalier. Quand vint pour lui l'heure de la retraite, il occupa encore un poste presque militaire à la poudrerie de guerre de Sevran-Livry, près de Paris. J'eus l'occasion de l'y visiter et de faire avec lui, sur son aimable invitation, une tournée de malades ; j'en fus heureux car je pus constater que là aussi il avait su conquérir la confiance du personnel et la considération des Directeurs. Maintenu dans les cadres de l'armée ce fut là que le 2 août 1914 la mobilisation vint le surprendre car, il faut le dire à sa louange, sa droiture native se refusait à croire à l'abominable guerre et à une si criminelle agression.

    Médecin-chef d'une division territoriale il la rejoignit en hâte à Rennes, la suivit au Havre, à Dunkerque et enfin dans la région d'Ypres. Il y passa le rude hiver que nous savons, le printemps et jusqu'au mois d'août il conserva son poste. Plusieurs fois il vit de près la mort du champ de bataille, notamment le jour où un obus de gros calibre fit, à quelques mètres de lui une brèche profonde dans l'immeuble où il était. Malgré des fonctions accablantes dont il se tira toujours à son honneur il voulut aller jusqu'au bout et dépassa les limites de ses forces. Promu aux cinq galons de Principal, à la rosette de la Légion d'Honneur, cité à l'ordre du jour, décoré de la croix de guerre, il revint glorieusement, mais trop tard, à l'arrière, d'abord au Havre, puis à Amélie-les-Bains ; ce fut là que, malgré les soins les plus affectueux qui l'entourèrent la nuit comme le jour, il consomma le 5 Décembre son suprême sacrifice.

    Quel vide, mes chers concitoyens, quel vide ne va-t-il pas faire parmi nous ? dans notre cité où le ramenaient toujours avec joie et ses désirs et nos vœux ! Sa chère terre de Ré, comme il disait, et dont il fut le patient historien, d'une si scrupuleuse exactitude ! Citerai-je ses brochures ou notices toujours si attrayantes sur les points obscurs ou en litige de notre histoire locale, et sur un terrain plus vaste, ses travaux remarquables d'anthropologie et de préhistoire, sciences de large envergure !  Je rappellerai simplement qu'il y a plusieurs années, ses collègues de Paris l'appelèrent à la présidence de leur société voulant témoigner ainsi de l'estime particulière dans laquelle ils tenaient sa valeur scientifique !

    Sans cesse  sa pensée se reportait vers sa chère petite Patrie de l'île de Ré où il encourageait toujours les œuvres à entreprendre. C'est ainsi que récemment encore il acceptait le titre de Membre du Comité protecteur des Orphelinats de la Guerre à St-Martin.

    Voilà Mesdames, voilà Messieurs, l'éminent concitoyen que nous pleurons !

    Que son épouse si affligée, si digne d'un tel mari, brûlant de la même flamme patriotique doublée de maternelles attentions pour nos blessés et qui partagea vaillamment les rudes labeurs de sa longue carrière, ses filles si tendrement aimées, ses sœurs si fières et à juste titre d'un tel frère, veuillent bien agréer ici l'assurance de la respectueuse sympathie de tous.

    Que ses gendres, véritables fils, dignes émules de sa valeur professionnelle et de son patriotisme, que tous les membres de sa famille, présents ou absents de St-Martin, veuillent bien agréer nos condoléances et voir par cet imposant cortège d'amis et de concitoyens en quels sentiments d'estime et de considération était tenu le regretté défunt.

    Et toi, cher ami, qui laisses à ta famille, de si précieux souvenirs, à tous tes confrères et aux camarades du Corps de santé de si nobles exemples, dors en paix ton glorieux sommeil !

    Puisses-tu, du séjour des éternelles récompenses, réservées à ceux de ton mérite par Celui qui tient en ses mains redoutables les destinées des Empereurs et des Peuples, puisses-tu, comme nous, voir bientôt se lever l'aurore de la Victoire conquise au prix de si cruels déchirements et du sacrifice de tant de héros !

    Au revoir !

    En terminant cette notice nécrologique la rédaction du Soldat Rétais tient à présenter à sa distinguée collaboratrice "Celia" l'assurance de ses sympathies les plus vives dans le deuil cruel qui la frappe.

     

    Dans son numéro du 1er janvier 1916, le Soldat Rétais fait un rectificatif :

    Dans notre dernier numéro, le compte-rendu des Obsèques de M. le Médecin Principal Atgier renfermait une erreur que nous tenons à rectifier aujourd'hui, en nous excusant de l'avoir commise par suite de notre ignorance des règlements sur les honneurs funèbres auxquels ont droit les militaires et les membres de la légion d'honneur.

    Contrairement à ce que nous supposions, en effet, tous les officiers de la garnison,présents à St-Martin, ont assisté aux obsèques - et aucun détachement de troupes en armes ne devait figurer dans le cortège, la levée du corps ayant eu lieu à Amélie-les-Bains et M. le principal Atgier ne faisant pas partie de la garnison de St-Martin.

    L'autorité militaire locale ne saurait donc, le moins du monde, être blâmée en cette circonstance.

     

    Le nom d'Emile ATGIER est inscrit sur le monument aux morts et la plaque commémorative de l'église de Saint-Martin, sur la plaque commémorative 1914-1918 de la Faculté de médecine de Paris-Descartes ainsi que dans le livre d'or des médecins morts pour la Patrie du 6e arrondissement de Paris.

     

    Sources :

    Etat civil reconstitué de Paris (les prénoms sont erronés)

    AD17 - Registres matricules - 1 R 27 - classe 1870 - Contingent départemental, matricules 1-1208 - La Rochelle, vue 87

    AD17 - Etat civil - Saint-Martin-de-Ré

    AD86 - Etat civil - Poitiers - 5 MI 0542 - Mariages 1883, vues 51-52

    Dossier de Légion d'Honneur sur la Base Eléonore

    AD17 - Presse - Le Soldat Rétais n° 16, 15 août 1915, p. 5

    AD17 - Presse - Le Soldat Rétais n° 24, 15 décembre 1915, p. 3

    AD17 - Presse - Le Soldat Rétais n° 25, 1er janvier 1916, p. 4

    Fiche Mémoire des Hommes : http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/m005239d6506efee/5242bbe838001  (erreur sur les prénoms mais c'est bien sa fiche)

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